La cabane de Mayes : cette cabane voit passer depuis 1986 quelques chanceux ornithos, qu'ils soient venus pour une campagne d'été ou un hivernage.
Seuls les ornithos travaillent sur Mayes, c'est NOTRE île, et donc NOTRE cabane, pleine de mémoire et de souvenirs, plus qu'une chance, c'est un honneur pour moi de faire partie des ornithos de Mayes.
On étudie sur cette île de nombreuses espèces, et de fait, on passe pas mal de temps dans cette cabane, enfin, quand il y a un chaland pour nous y emmener...
Bien placé sur l'ile, la cabane est assez abritée du vent et bien ensoleillée.
De jour, au travers des fenêtres, on peut voir au dessus du Golfe et de ses îles des Pétrels géants, des Pétrels a mentons blancs, des Pétrels plongeurs communs, quelques Pétrels bleus et prions et le seul albatros nicheur sur le golfe : l'Albatros fuligineux a dos clair. Sur la côte, a quelques mètres de la cabane, les Sternes de Kerguelen, les Goélands dominicains, les Cormorans de Kerguelen, les Skuas subantarctiques sont présents. Sur les hauteurs, juste derrière, un nid d'Albatros fuligneux a dos clair. Et dans le prolongement de la cabane, le Val des Garodias, site mythique d'étude du programme 109, ou les terriers sont si nombreux qu'il se confonde les uns les autres.
De nuit, le sol de l'île se réveille. Tous ses terriers sont des sites de nidification : Pétrel bleu, Prion de Belcher, Pétrel plongeur commun, océanites, Pétrel a tête blanche, Pétrel gris (le seul qui niche en hiver). Tous Ces oiseaux, s'activent lorsque la nuit noire est tombée, pour une simple et bonne raison : éviter les skuas dont le régime alimentaire est composé a 95% de pétrels et prions. Il mange aussi des souris (nombreuses a Mayes, introduites) et quelques végétaux (ils raffolent des fleurs de pissenlit, espèce introduite également).
Chaque soirée est donc bercée par les cris des nombreux oiseaux tournoyant au dessus de l'ile. Mais quand je dis nombreux, on peut d'avantage comparer ça à une nuée de moustiques plutôt qu'a une volée d'oiseaux, il y en a de partout, certains se tapent même dans la cabane.
Les 2 partenaires couvant chacun leur tour (t'imagines Céline, 15 jours toi, 15 jours sylvain, ça serait sympa ça non??), soit ce sont des oiseaux quittant leur terrier pour aller se nourrir, soit venant de la mer à la recherche de leur terrier, qu'ils retrouvent sans problème, à l'odeur ! Lorsque le changement de partenaire a lieu, on appelle ça, le shift (je réutiliserai le terme pour d'autres espèces, vous pourrez pas dire que vous connaissez pas ;-)
Pour faire court : un des nombreux superbes paysages que nous offre l'ile de Mayes sur un des ses lacs.
Pour les plus ornithos : Sur le bord de ce lac, on trouve un des 3 clubs de Skuas non reproducteurs suivis. Durant la nidification, c'est a dire maintenant, certains Skuas ne se reproduisent pas (absence de partenaire, jeune de l'année passée, etc.). Ces skuas non reproducteurs se regroupent en bandes, appelées clubs, sur des sites bien précis dépourvus de territoires. Nous nous y rendons régulièrement, pour tenter (et c'est pas toujours facile), de capturer des individus pour les baguer, ces oiseaux là étant des possibles reproducteurs des années a venir. On y contrôle également les numéros de bagues des oiseaux déjà bagués.
A cette saison, les skuas sont les maîtres incontestés de Mayès. Chaque couple possède un territoire qu'il défend plus au moins farouchement, d'autant plus que les poussins commencent à éclore. Tous les territoires d'une partie de l'île sont régulièrement visités. S'il est occupé, on identifie les 2 reproducteurs (par leur bague, on leur en pose une s'ils n'en ont pas) et on suit leur nidification. Les poussins seront bagués juste avant leur envol.
Le vol en surplace à quelques centimètres au dessus de nos têtes, comme sur la photo, en émettant des cris semblables a une grosse corneille reste le comportement le plus courant pour tenter de nous intimider. D'autres vont passer a toute vitesse à ras des bonnets. Kéké ayant fais les frais du plus téméraire d'entre eux, puisque le skua lui a carrément frappé la tête avec les pattes au passage.
De mon coté, pour le premier nid visité, je tend la main en l'air pour que l'oiseau me mordille les doigts, il ne s'en est pas privé, mais nes 'est pas arrêté la : hop, je me suis fais prendre mon gant! Le skua a fait quelques virevoltes au dessus du Golfe, fièrement, gant au bec, mais heureusement, il n'a relâché mon gant qu'une fois reposé à terre à quelques mètres de moi, ouf ! C'était bien drôle quand même.
Poussin de Skua
Les colonies démographiques sur laquelle nous avons travaillé se situe dans le val des Garodias, qui est la vallée que l'on voit derrière la cabane sur la première photo (vu d'en bas). La démo Belcher se situe sur le versant de droite (celui qu'on voit pas sur ladite photo). Sur la photo ci-dessous (pardon pour la piètre qualité de mes photos, je fais ce que je peux avec ce que j'ai, il y a beaucoup d'UV ici, mon appareil sature vite), on voit tout d'abord la végétation essentiellement constituée d'asorelle (les boules), de choux de ker et de pissenlit. On voit par la suite en premier plan, mais c'est comme ca tout du long, que le terrain est plein de terriers. Et on voit évidemment les piquets qui identifient les terriers par un numéro et un code couleur par espèce :
- piquet rouge : prion de belcher (Bel)
- piquet noir et rouge : pétrel bleu (PB)
- piquet noir : pétrel à tête blanche (PTB)
ya aussi des piquet pétrel gris et pétrel plongeur commun (PPC) mais je ne me souviens plus la couleur.
Les petits ringots jaunes indiquent la position de la chambre lorsqu'elle n'est pas évidente à trouver. Il ne faut pas croire qu'il suffit de mettre la main dans le terrier, la plupart du temps, un longueur de bras ne suffit pas, ou un virage empêche l'accès, il faut alors aménager les terriers. On voit ces aménagements sur la photo en premier plan, des grosses pierres sont posés, elles bouchent pour la plupart un trou qui permet d'accéder directement à l'oiseau. Pour la terre dans laquelle les terriers sont creusés, il s'agit d'une espèce de tourbe très légère et très fine (hyper volatile au vent, hyper aspirante à la pluie). L'œuf est simplement pondu sur le fond de la chambre, aucun autre matériaux n'est apporté par l'oiseau.
Premier passage partenaire Prion de Belcher :
On fouille tous les terriers de Belcher un a un, si on trouve un oiseau, on le contrôle ou le bague et on note la présence d'un œuf ou non (il ne ponde qu'un seul œuf.)
Second passage Belcher (10 jours plus tard) et second passage bleu (le premier avait été fait avant que nous arrivions) :
Au second passage, on ne re-fouille que les terriers occupés lors du premier passage, le but étant simplement d'identifier le 2nd partenaire, les oiseaux ayant théoriquement "shiftés".
Dis comme ca, c'est simple, mais évidemment que non : les terriers communiquent souvent entre eux, on trouve des PB dans les terriers de Bel et inversement, ce qui fout pas mal le bordel puisqu'on intègre ces terriers là à l'autre démo. On trouve des œufs froids, mais rien n'empêche les oiseaux de revenir quand même. Mieux encore, on trouve 1 Bel au premier passage, 1 bleu au second, du coup on retourne confirmer et pouf on retrouve de nouveau un Bel, et tant qu'a faire, le même qu'au premier passage. Ou alors un Bel qui couve 2 œufs, un de Bel et un de Bleu... Et c'est assez long, je n'ai que les chiffres des bleus en tête, ca représente 170 terriers.
Plonplon (PPC)
Les plonplon, ca niche aussi dans les terriers comme les autres, mais le problème c'est que les terriers sont tellement petits qu'on ne peut pas les fouiller à la main. On se contente donc de tendre des filets, juste au dessus ou devant la cabane et on attrape les oiseaux à la tombée de la nuit noire. Mais comme j'en parlais tout a l'heure, ce sont des nuées de PB et prions essentiellement qui tourne la nuit, et même si on met les filets pour les ppc, on prend quand même plus de PB qu'autres choses. On se limite donc a 3 filets des 12m de long et c'est limite trop, un soir nous avons du fermé un filet qui prenait trop. Seul Bémol sur cette méthode, la capture aux filets nécessite le moins de vent possible et ici, nous sommes à Kerguelen, le vent tombe rarement. En 10 jours on a pu faire 3 soirées quand même (sur 5 prévues). Dernière session hier soir, 3 filets, 2h de capture, 77 oiseaux. Pour les contrôles, on ne prend le numéro de filet, le sens de capture (terre ou mer), le numéro de bague et la masse (la PI [NdT:présence de plaque incubatrice] chez les PPC), pour les nouveaux il faut rajouter la pose de la bague la mesure du tarse, du culmen et de l'aile pliée. C'est donc assez long. Nous avons capturés 5 espèces, qui sont les 5 espèces les plus communes capturées aux filets a Mayes, dans l'ordre d'abondance : PB, PPC, Bel, Océanite a croupion gris (OCG) et PTB.
Les Gorfous sauteurs sont arrivés sur les rochers de Mayès. On retrouve ces tout petits manchots (40 à 50 cm de hauteur) par petits groupes d'une dizaines d'individus pour le moments. Assez calmes et bien cachés dans leurs rochers (parfois carrément invisibles), ils deviennent inratable et audible de très loin lorsqu'ils s'expriment. Ils viennent nicher là, tout autour de l'ile, comme chaque année. Un dénombrement de tous les Gorfous sauteurs présents sur l'île aura lieu fin décembre-début janvier.
Albatros fuligineux a dos clair couvant sur son nid juste au dessus de la cabane. Chaque jour, nous entendions le puissant cri nuptial de ces superbes oiseaux au maquillage si parfait.
La cabane de Mayes vue d'en haut.
Vu depuis le Chaland. Ils sont la plupart du temps cachés dans les nuages, mais ce matin, dame nature nous a dévoilé le point culminant de l'archipel des Kerguelen, le Grand Ross 1850 m et son p'tit frère le Petit Ross.
L'île longue et ses moutons.
L'ile verte (plate et sans relief)
L'ile cimetière (avec son cimetière)
L'épave (dont je ne connais pas l'histoire)
Et pour finir en beauté, mon premier Dauphin de Commerson de près (j'en ai vu de très loin depuis Mayès).
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