Hey,
Les soirées sur base sont rares donc généralement longues, j'ai pas pu vous écrire hier soir donc. Allons-y pour tenter en quelques lignes de vous expliquer ce que j'ai vécu a SN.
Le 17 décembre, OP4 à peine terminé puisque le Marion est parti le lendemain, on embarque sur l'Aventure II (le chaland) direction le Halage, lieu de la dépose lorsqu'on se rend à Sourcils Noirs. A son bord avec nous, les popchats qui descendent à Port Jeanne d'Arc, les Ethotaaf à Verte, les Ecobio à Australia, je crois que c'était tout.
4h après le départ de PAF et une dépose à Verte au passage, nous sommes arrivés au Halage des Naufragés : Pierrick, Dédé météo et moi. Chargés comme des fous avec les fringues, les bouteilles, la bouffe, on attaque les 3h30 de marche qui nous séparent de la cabane, en commençant par une petite grimpette bien violente de quelques centaines de mètres de dénivelé, puis une pente douce vers la cabane au travers du Plateau des Hurlevents. L'émotion de me rendre à Sourcil Noir est forte, et cette progression lente à pied met beaucoup de piment. On aperçoit d'abord un filet d'eau dans un talweg du plateau, c'est le début de la rivière Albéric, qui passe à 5 mètres de la cabane, c'est là qu'on se rend compte que la cassure qu'on voit sur la côte, c'est bien le Cañon des Sourcils Noirs. On aperçoit aussi le hauts des falaises de la Baie de l'A-pic sur la droite, les plus hautes falaises de Kerguelen, mais on y reviendra plus tard.
Quelques pas plus tard, Pierrick nous dit "on descend au droit dans le cañon, la cabane est là". Bien planquée dans le fond du cañon, on ne la voit qu'en arrivant dessus, à quelques dizaines de mètres : la cabane de Sourcils Noirs. Une des vitrines de l'IPEV : petit chalet en bois, entrée, salle commune, 2 chambres + mezzanine (7 couchages en tout), anciennement l'eau courante, malheureusement pas fonctionnel pour problème de maintenance. Enclavée dans la roche rouge volcanique, à la confluence de 2 petites rivières et surveillée de haut par les Albatros fuligineux à dos clair et les très nombreux Pétrels à menton blanc qui nichent sur le versant qui fait face, la cabane a vraiment de la gueule. L'Acaena recouvre tout le cañon d'un épais manteau, malgré les lapins.
Le lendemain, on rentre dans le vif du sujet : on monte à la colonie. On m'avait dit "Sourcils Noirs, ça se mérite", après notre balade de 3h30, je me suis dis bof oui en effet, on est pas déposé à 100 mètres de la cabane comme à Mayes, mais bon c'est pas non plus du mérite de marcher quelques heures. C'était sans compter sur le chemin pour se rendre à la colonie... D'entrée de jeu, il faut grimper plus de 200 mètres de dénivelé dans un chemin au début correct, au bout de 15 jours pourri, boueux et glissant. Le premier jour, j'en ai vraiment chié. Au final on s'y fait, en 18 jours je suis allé à la colonie 18 fois, je le connaissais mieux le chemin !
Arrivée en haut, la première chose qui me frappe, c'est la vue de l'océan, depuis que je suis ici je vois le Golfe, mais là j'ai devant moi l'immensité bleu de l'Océan Indien au 49°70 de latitude sud. La colonie d'albatros se situe en réalité juste à coté du cañon, et non pas dans le cañon. On avance sur ce plateau, s'approchant du bord. La pression montait vraiment en moi. Tout est silencieux sur le haut et d'un seul coup, on arrive au dessus de la colonie.... Comme ce matin du 18 décembre, les mots me manquent pour exprimer mon ressenti : des centaines d'Albatros à Sourcils Noirs sont là une centaine de mètres plus bas, perdus dans une foule innombrable de Gourfous macaronis, nicheurs eux aussi, et devant nous les Albatros fulignineux à dos clair, qui nichent sur les corniche plus haut, planent aux cotés des superbes et beaucoup plus rares fuligineux à dos sombre, nicheurs discrets dans le haut des corniches eux aussi.
Une fois mes fonctions vitales de nouveau fonctionnelles, on attaque la descente, le cri incessant des maca se fait de plus en plus fort, l'odeur typique de ces colonies commencent à se faire sentir aussi (bon en fait, ça sent la merde, mais la merde de sourcils noirs ! ;-)
Arrivée sur la colonie. On s'assoit. On regarde. On se pince pour se réveiller. On hallucine. Le ballet des sourcils noirs est permanent. On est à quelques dizaines de mètres, et rien ne semble déranger la vie de la colonie. La plupart des Albatros à sourcils noirs sont sur œuf, une grosse majorité a éclos le temps que nous y étions. Il en est de même pour les maca.
Ouverte au Sud est, la colonie est parfaitement abrité des vents dominants de Nord Ouest, devant nous l'Océan Indien a perte de vue. Quelques radeaux (rassemblements d'oiseaux posés en surface) de sourcils noirs se trouvent au large, plus au moins nombreux selon les jours. La colonie est située sur une pente assez raide, très peu stable. Entre les zones de Cotula plumosa très glissantes, les eaux qui ruissellent, les roche nu, les déplacements au sein de la colonie sont délicats. Ce qui est marquant aussi, c'est la végétation préservée de se site : des par terres de Cotula alternant avec des Poa cooki. Les roches volcaniques rouges et friables forment des barres rocheuses dans la colonies. Sur les hauteurs, où niche les fuli, on retrouve des Azorelles, des Choux qui sont pendus à leur racine. Bref, pas une seule faute de gout pour ce site merveilleux.
Les premiers pas au sein de la colonie sont très impressionnants, à 20 cm à droite un sourcil noir sur son œuf, un autre 1 mètre à gauche, à 2cm devant derrière à droite à gauche au dessus au dessous des maca, des maca partout partout qui te mordent la botte si t'es trop près mais ils sont tellement nombreux qu'on est toujours trop près. Trop près = moins de 10-15 cm. Tout ces oiseaux sont sur œufs, sur le point d'éclore, certains sont stressés, d'autres cool. Il faut avoir les yeux partout. Un autre habitant de ce cañon a les yeux partout : le skua. Ils passent leur journée à survoler les colonies et la vue d'un œuf ou d'un poussin les rend tellement fous qu'il ressortent souvent vainqueur. Malin le skua, qui te survolent à 2 mètres au dessus de toi, il voit bien que tu perturbe un peu ce petit monde, si un maca a le malheur de s'écarter de 5 cm de son œuf, en une fraction de seconde le skua sera parti avec. Le stress est donc permanent. De fait, quand tu rentres dans la colonie, tu rentres dans une bulle, plus rien ne compte, qu'importe l'heure, l'appétit, la fatigue, tu ne penses plus à rien d'autre. Curieuse sensation d'ailleurs, lorsque l'on sort, paf d'un seul coup t'as soif, envie de pisser, faim et mal au jambes !
Les manips se sont bien passé, on a équipé plusieurs oiseaux de GPS pour un voyage en mer, on a récupéré des GLS posés il y a 1 an et reposé d'autres. Puis pour les fuli et les sourcils noirs, on a identifié tous les partenaires de tous les nids (322 nids suivis au total pour les SN) et notés le stade de la repro (œuf ou poussin, ou rien).
C'est vraiment impressionnant de travailler sur ces oiseaux là, ils sont énormes, et pour une partie d'entre eux, plus vieux que moi. Et si une mésange bleue mord fort, le sourcil noir il te défonce la main mais d'une force ! Heureusement, ce sont des oiseaux cool, peu d'entre eux mordent aussi fort que possible et heureusement puisque malgré les gants de cuir, ça n'empêche pas les saignements des doigts... Quand je dis qu'ils sont cool, c'est vraiment cool. Tu les bagues métal, tu enlèves les vieilles Darvik tu mets des nouvelles, sans les tenir. Mieux encore, on retirait les GPS sans les tenir non plus, la manip nécessite pourtant de couper le scotch avec un cutter et retirer les bouts de scotch des plumes.
Les fuli dos clair, c'est aussi quelques chose d'extraordinaires. ces oiseaux ne nichent pas en colonie mais sont éparpillés partout dans le cañon, on se déplace comme on peut sur des versants un peu casse-gueule, nombreux nids sont inaccessibles, car il serait bien trop dangereux de s'y rendre. Les oiseaux sont magnifiques et l'emplacement de leur nid offre la plupart du temps un panorama superbe sur l'océan et/ou le cañon.
Puis le soir on se posait souvent, fatigués de la journée de stress permanent, on laisse retomber la pression, et on regarde le ballet de sourcils noirs qui se met en place ; telle une nuée de moustique les albatros tournent et virent devant nous, nous frôlent de leurs ailes. C'est le moment des shifts, on attendaient que le shift se fassent puis on attrapait l'oiseau avant qu'il parte en mer pour se nourrir une fois son partenaire sur le nid.
En bas de la colonie, nous avions la compagnie d'un albatros à tête grise, splendide ! Quelques gorfous sauteurs trainent dans les maca du bord de l'eau, des otaries jouent parfois dans les grand laminaires. Au large, les Pétrels à mentons blancs et les Albatros fuli à dos clair planent au dessus des radeaux de sourcils noirs. Parfois des prions passaient et le dernier jour fut l'occasion de voir un beau mouvement d'Océanite de Wilson et mon tant désiré Grand Albatros dont j'ai cherché la présence durant 18 jours.
Le soir du réveillon de noël se passa à 3 sans se laisser abattre pour autant : champagne (Denis Chaput, Arrentières) fois gras en apéro, puis ce fut un Lalande de Pomerol 2003 qui accompagna le gigot d'agneau. Le lendemain, jour de noël, une averse de neige a blanchi tous les reliefs au dessus de 100 mètres d'altitude. C'était la première fois que je vois Ker tout blanc. Noël oblige ce fut aussi l'occasion de boire un Première Côtes de Blaye, merci Papa, excellent !
Nous nous sommes rendus à la baie de l'A-pic le 27, pour montrer à Dédé, qui partait le lendemain.
A 45 minutes de la cabane, on remonte la rivière, on prend à gauche dans un talweg juste avant les grottes et là, re-grosse claque : 490 mètres de falaise verticales. Les plus hautes de Ker. Un vent à coucher des peupions, parfois impossible de rester debout, le vent fait un bruit improbable dans les trous et pointe rocheuses, ça claque ça fouette, quand tu crois qu'il est fort, tu te prend une rafale qui te rend la respiration difficile. Dans le bas, une gorfoutière géante appelée "Macapic", mélange de A-pic et macaroni. Plus tard, nous sommes allés faire des photos pour un comptage des gorfous, comme chaque année.
Nous sommes rentrés par Cap Georges et la côte sud, quasiment les terres les plus au sud de Ker, à quelques miles devant nous le 50ème hurlants, et à quelques milliers de kilomètres : l'Antarctique. Comment voulez-vous cesser de rêver dans ce pays incroyable ! Le paysage est minérale, balayé par les puissants vent de nord-ouest en permanence ou presque. Au loin, on aperçoit l'entrée de la baie de l'Antarctique, j'espère pouvoir m'y rendre à mon prochain séjour à SN en mars et derrière, les superbe Falaises des Pétrels noirs (ou il y pas de Pétrels noirs, Chizé a prospecté).
On arrive sur la colonie par le sud, malgré que ça fasse 10 jours qu'on y est, on a toujours ce frisson à la vue de la colo, les fuli nichent là, à quelques mètres de nous, hors de notre démo (notre zone de travail), ceux là sont tranquilles. J'ai pu observer mon premier chat de ker aussi, mais bon c'est pas l'observation qui m'a fait le plus rêver. On passe doucement du paysage minérale à la verdure avec quelques Azorelles puis les premières Acaena et bim le cañon tout verdoyant, magique !
Le 28, on ramène Dédé au Halage, 3h30 de marche, on accueille les 2 autres ornithos et les 2 popchats et on rentre à la cabane via la colonie pour récupérer des GPS. 8h de marche, j'étais usé, mais le détour valait la peine : 4 GPS sur 5 qui nous restaient on été récupérés.
Premier de l'an traditionnel entre ornithos et popchats, encore du champagne, encore du bon pinard, des terrines maisons, du foie gras, du civet de sanglier, du bon wisky (Talisker 10 ans d'age pour les connaisseurs, Camille si tu as lu jusque là, c'est à toi que je pense). On finit les contrôles partenaires tant bien que mal malgré une météo capricieuse sur la fin du séjour, dépression sur dépression, c'était impressionnant.
Puis déjà le temps de rentrer, dernier jour sur la colo pour le fun, le travail était fini, on a juste profité, regardé. Des au-revoirs pour certains, des adieux pour d'autres : Léo popochat et Pierrick partent à OP0 le 10 février.
Sur le chaland, nous sommes accompagnés par les fidèles Dauphins de Commerson dans le Halage, puis nous avons observé d'autres Wilson, qui confirment un mouvement de cette espèce à cette période.
Voila, j'espère avoir réussi a vous faire partager un peu ce que je vis ici, de mon coté je vais préparer mes affaires et on part à Pointe Suzanne après manger pour une manip sur les cormorans. Pardon de ne pas répondre à tous vos mails mais mon programme chargé ne me permet pas de passer trop de temps sur l'ordi. Je les lis tous et prend beaucoup de plaisir à avoir de vos nouvelles, que vous soyez famille, amis ou inconnus, merci pour vos messages.
Bonne année à tous et à bientôt,
Tom
merci de nous faire partager tout ca !!
RépondreSupprimeret a bientôt pour tes nouvelles aventures ornithologiques!!!
J'ai lu jusque là mon petit...
RépondreSupprimerJ'en garde en réserve pour ton retour ;) ou pour mon arrivée en novembre...qui sait!
Merci pour tes récits gamin, c'est magique!!
Cam.
hey jespere ke tou se passe bien pr toi a premiere vu sa doi etre enorme,en tout cas sa fai rever tou ske tu ns raconte,profite bien de tou sa.
RépondreSupprimerPS:le marais est magnifik =),bisx de la famille pinaud
Alors là chapeau. On s'y croirait. C'est juste énorme tout ce que tu racontes. Profites un max et bonne année 2011 à toi. Si j'ai juste une petite requête à faire: stp met nous des photos des sourcils noirs histoire de nous faire baver.
RépondreSupprimerWill
Que de souvenirs en relisant cette article, l'arbre a VHF tiens toujours avec autant de cordes multicolore ou bien il a été refait depuis mon passage en 2007
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